
RAPPEL : C. TRAV. ART. L. 8251-1 (al. 1er) – nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l’autorisant à exercer une activité salariée en France. Et ne pas respecter cet interdit expose le contrevenant à plusieurs déconvenues dont l’obligation d’avoir à payer une amende administrative.
« LE COUP DU COMPTOIR » : UN DG DERRIÈRE LE ZINC – dans cette affaire, lors d’un contrôle de la police (aux frontières) avait été mis en évidence le fait qu’une personne, ressortissant d’un pays étranger, œuvrait dans un bar ; plus précisément, il assurait, et derrière le « zinc », plonge et nettoyage des verres au moment de l’intervention de la police et des constatations opérées. L’audition ultérieure du quidam avait révélé que : 1° - statutairement, il était associé (à parts égales) avec son frère dans la société propriétaire du bar dont il était, de surcroît, directeur général. 2° - fonctionnellement, il était un « homme à tout faire », assurant, tour à tour et cumulativement, une série de tâches suivant une logique de polyvalence (courses et approvisionnement, nettoyage des locaux, sécurité et gestion de l’entreprise) à raison de 20 heures par semaine. 3° - financièrement, sa rémunération prenait la forme de dividendes servis en contrepartie de l’exécution des tâches précitées.
CRITÈRES DE LA REQUALIFICATION EN CONTRAT DE TRAVAIL : UN VRAI DG NE FAIT PAS LA PLONGE ! – la juridiction en charge du contentieux propre à cette affaire estime, d’une part, que les dividendes ne sont qu’une manière astucieuse de rémunérer – par habillage – des fonctions obéissant à une logique de salariat véritable, d’autre part, que la nature polyvalente des fonctions ainsi que leur substance trahissent l’existence d’un lien de subordination (même indirect) à l’endroit de son frère associé.
Trib. Adm. Toulouse 4 décembre 2024, n° 2300158, Sté El Vaz
À noter : dans ce type d’affaire, la requalification en contrat de travail peut aussi beaucoup intéresser l’Urssaf. Pourquoi ? Parce que les dividendes servis sont requalifiés en salaire net, net sur lequel des cotisations sont fictivement calculées pour reconstituer un brut total (parts employeur + salarié), brut au titre duquel est réclamé – à la société propriétaire du bar – le
versement des cotisations et taxes assises sur les salaires ; ce, sans préjudice d’autres sommes à payer au titre du « travail dissimulé ». Il est à remarquer que la région toulousaine est « généreuse » en jurisprudence propre à ce genre d’épisode (cf. : caractérisation d’une relation de travail consécutive à l’activité d’une étrangère présente en qualité de serveuse dans un restaurant au sein duquel elle était rémunérée exclusivement par des pourboires non déclarés - CAA Toulouse 6 décembre 2022, n° 20TL04662).
Par Jean-Louis Denier, juriste d’entreprise