
RAPPEL : LA GARANTIE D’ACTIF ET DE PASSIF… UN OUTIL DE SÉCURISATION – généralement, la vente d’une entreprise – notamment par voie de cession de titres/parts – donne lieu à rédaction de documents écrits (contractuels) organisant le transfert patrimonial (passage : vendeur => acheteur). Très souvent, tel ou tel de ces documents comporte, dans son contenu et sous forme de clause et stipulations, une garantie dite « d’actif et de passif ». Avec cet outil contractuel, l’acquéreur dispose : 1° - d’une certitude quant à l’état patrimonial et financier (réel) de l’entreprise rachetée ; 2° - d’une sécurisation relative à la survenue d’éventuelles mauvaises surprises financières ultérieures (dettes et autres « ardoises » à honorer dès le lendemain de la vente, es-qualité de nouveau propriétaire). La sécurisation en question provient de ce que le vendeur accepte, la plupart du temps sous conditions et souvent restrictives – particulièrement en matière de nature, cause, origine, date et manifestation de la dette – de prendre à sa charge tout ou partie du montant de ces mauvaises surprises lorsqu’elles découlent d’un évènement intervenu avant la date de la vente. Ce type de dispositif donne souvent lieu à litige entre parties, notamment pour ce qui a trait à l’interprétation des termes, sens et portée de la clause et de ses stipulations. Le juge entre alors en scène pour opérer ce travail d’interprétation, teinté de confrontation des prévisions de la clause à telle situation et factualité rencontrées effectivement.
GAP ET LICENCIEMENT (INDEMNITÉ) : ACCIDENT DU TRAVAIL AVANT VENTE, LICENCIEMENT APRÈS – ici, l’évènement accidentel survient, certes, avant la vente, donc sous l’ancien propriétaire ; mais l’enchaînement des circonstances conduisant à la rupture du contrat de travail – dont un prononcé d’inaptitude par le médecin du travail – se situe après la vente, sous le nouveau propriétaire, seul initiateur du licenciement, cause de versement d’une indemnisation, faute d’avoir (voulu ou pu ?) reclasser effectivement le salarié. Le juge prend acte de ce que : 1° - la clause se contente de viser, sans le détailler lui ou ses évènements constitutifs, tout passif qui « (…) aurait son origine, sa source ou sa cause dans des faits, événements ou circonstances antérieurs à la date de cession » ; 2° - le passif, découlant de l’indemnisation du licenciement, résulte exclusivement et directement de faits intervenus postérieurement à la cession, ce d’autant plus que la rupture du contrat de travail – en matière de causalité et origine – découle non pas de l’accident du travail, mais uniquement de l’absence de reclassement à la charge du nouveau propriétaire. Par conséquent, l’indemnisation du licenciement reste à la charge de ce dernier, la garantie offerte par l’ancien propriétaire n’ayant pas à jouer.
C. App. Rennes 3 décembre 2024, n° 23/022376
GAP ET LICENCIEMENT (INDEMNITÉ) : ACCIDENT DU TRAVAIL AVANT VENTE, LICENCIEMENT APRÈS – ici, l’évènement accidentel survient, certes, avant la vente, donc sous l’ancien propriétaire ; mais l’enchaînement des circonstances conduisant à la rupture du contrat de travail – dont un prononcé d’inaptitude par le médecin du travail – se situe après la vente, sous le nouveau propriétaire, seul initiateur du licenciement, cause de versement d’une indemnisation, faute d’avoir (voulu ou pu ?) reclasser effectivement le salarié. Le juge prend acte de ce que : 1° - la clause se contente de viser, sans le détailler lui ou ses évènements constitutifs, tout passif qui « (…) aurait son origine, sa source ou sa cause dans des faits, événements ou circonstances antérieurs à la date de cession » ; 2° - le passif, découlant de l’indemnisation du licenciement, résulte exclusivement et directement de faits intervenus postérieurement à la cession, ce d’autant plus que la rupture du contrat de travail – en matière de causalité et origine – découle non pas de l’accident du travail, mais uniquement de l’absence de reclassement à la charge du nouveau propriétaire. Par conséquent, l’indemnisation du licenciement reste à la charge de ce dernier, la garantie offerte par l’ancien propriétaire n’ayant pas à jouer.
C. App. Rennes 3 décembre 2024, n° 23/022376
GAP ET SON PROCESSUS DE GARANTIE : DATES DE MISE EN ŒUVRE À RETENIR – la clause mêlée au différend institue une garantie de prise en charge (financière) des redressements fiscaux et/ou Urssaf ; mais sous réserve du respect d’une procédure d’information avec délai : le bénéficiaire de la garantie doit notifier au garant tout redressement dans les 15 jours de sa survenue. Les faits déclencheurs de ce différend sont les suivants : le Fisc envoie un 12 décembre un courrier notifiant un redressement à la société acquérante et bénéficiaire de la garantie, laquelle le reçoit le 14 décembre et l’adresse, dans la foulée, à la société cédante (ayant octroyé la garantie) qui le reçoit effectivement à la date du 27 décembre. Se prévalant de ce que plus de 15 jours séparent date d’envoi (initiale) par le Fisc – du courrier de notification du redressement – et date d’arrivée (au final et en son adresse) du courrier d’information de l’existence de ce redressement, la société tenue par la garantie refuse de la faire jouer pour cause de non-respect du délai institué par la clause de GAP. Ce raisonnement est approuvé par une cour d’appel. Mais rejeté par la Cour de cassation. Pour elle, la date de « survenue » du redressement – point de départ du délai de 15 jours – n’est pas la date de l’envoi initial, par le Fisc, du courrier de notification d’un redressement, mais celle où ce courrier du Fisc arrive effectivement à l’adresse postale de la société bénéficiaire de la garantie (ici : le 14 décembre). Aussi, dès lors que l’information parvient à la société, tenue par la garantie, le 27 décembre, le délai de 15 jours décompté à partir du 14 décembre n’est pas encore expiré (expiration le 29 décembre).
Cass. Com. 6 novembre 2024, n° 23-17551
Par Jean-Louis Denier, juriste d’entreprise