SOCIÉTÉS ET ALÉAS VARIÉS DE LEUR VIE SOCIALE : brèves de jurisprudence

SOCIÉTÉS ET ALÉAS VARIÉS DE LEUR VIE SOCIALE : brèves de jurisprudence
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Groupe, filiales et implication de la société mère : responsable mais pas de tout – les salariés d’une filiale, licenciés après sa liquidation judiciaire, ne peuvent reprocher à la société mère, cédante récente de ladite filiale, de n’avoir ni étudié ni pris des assurances relativement à la viabilité du projet de reprise. Ils ne peuvent, dès lors, espérer obtenir ni une mise en cause de sa responsabilité, ni un dédommagement de sa part (Cass. Com. 1er mars 2023 n° 21-14.787)
Dirigeants : rémunération, sort et celui de leurs proches – 1) La veuve et sa rente : se prévalant de difficultés financières avérées de la S.A., son conseil d’administration peut valablement décider de la cessation du versement, à la veuve de son ancien dirigeant, d’une « réversion » assise sur la retraite (d’entreprise) dont avait bénéficié l’ancien président (C. App. Paris 21 mars 2023, n° 21/12823). 2) La révocation (processus) : dès lors que non inscrite clairement à l’ordre du jour et n’ayant pas donné lieu à véritable débat (contradictoire) en AG, la révocation du gérant de SARL est abusive quand bien même le sujet aurait (déjà) été évoqué lors d’une assemblée précédente (C. App. Versailles 21 mars 2023, n° 20/05965). 3) La révocation (procédé) : est vexatoire pour un gérant, la publication – par la SARL – d’une offre d’emploi relative à ses fonctions le jour même de sa convocation à l’AG devant statuer sur sa révocation (C. App. Poitiers 25 avril 2023, n° 22/00108). 4) Le compte courant et la pratique de la paye par la SAS : obligatoirement affilié au régime général de Sécurité sociale, le dirigeant de SAS voit tous les avantages et rémunérations liés à son mandat soumis à cotisations. Ne font pas exception les sommes inscrites sur le compte courant d’un associé dont il a eu l’usage pendant plusieurs mois quand bien même leur remboursement ultérieur (Cass. Civ. 2e 7 septembre-2023, n° 21-22.085).
Publicité-formalités : effets néfastes de leur mauvaise gestion - 1) Inopposabilité aux tiers des effets d’une scission : alors même que le traité (contractuel) de scission n’avait aucunement mis à sa charge le passif lié aux relations de travail, une société bénéficiaire de la scission d’une société préexistante est tenue de répondre du passif prud’homal de celle-ci (salarié à dédommager) dans la mesure où cette scission n’a donné lieu à aucune publication d’un avis au Bodacc par la société scindée (Cass. Com. 11 mai 2023 n° 21-17.644). 2) Un « raté » de confidentialité : une SAS de la catégorie TPE-PME ne peut obtenir la non-publication de ses comptes faute d’avoir déposé, au greffe du tribunal compétent et en même temps que les comptes eux-mêmes, une demande de confidentialité à ce sujet (C. App. Paris 6 juin 2023 n° 23/00062).
Pacte d’actionnaires et différend lié à une cession contrainte de titres : quand le contentieux devient prud’homal – dès lors que le pacte lie un associé, également salarié, et vise les conditions de cession de ses titres en les reliant aux conditions de la rupture de son contrat de travail, cette corrélation entraîne la compétence juridictionnelle du conseil de prud’hommes en cas de procès (Cass. Soc. 7 juin 2023, n° 21-24514).
Les associés : tribulations de leurs relations – 1) Ce qui n’est pas interdit par les statuts est autorisé : de sorte que, sauf indication contraire, l’associé d’une SAS n’est contraint ni de s’abstenir d’exercer une activité concurrente de celle de sa société, ni de l’informer d’une telle activité, la seule interdiction portant sur la commission d’actes de concurrence déloyaux (Cass. Com. 21 juin 2023, n° 21-23298).
2) Quand un vote traduit un abus d’égalité : constitue cet abus, le fait, pour un associé à parts égales, lors d’un vote de résolution, de formuler un vote négatif afin d’empêcher délibérément la réalisation d’une opération essentielle pour la société avec pour finalité de favoriser ses propres intérêts au détriment de ceux de l’autre associé (Cass. Com. 21 juin 2023, n° 21-23298). 3) Abus de majorité tiré de la mise en réserve de bénéfices ? Cela peut être le cas si le vote – par des associés majoritaires – d’une résolution de mise en réserve prive des minoritaires de dividendes, alors que, dans le même temps, ces majoritaires, exerçant des fonctions de direction, ont, par ailleurs, déjà bénéficié de rémunérations éventuellement injustifiées en considération de la nature même de ces fonctions (Cass. Com. 30 août 2023, n° 22-10108). 4) Conflit et exclusion au sein d’une SAS : si la nullité est la sanction des cessions de titres non respectueuses des dispositions statutaires, elle n’est applicable qu’aux seules transmissions librement négociées. De sorte qu’une cession forcée – bien que non respectueuse des statuts – échappe à ce type de sanction si elle s’insère dans un mécanisme d’exclusion contrainte d’un associé (Cass. Com. 21 juin 2023 n° 21-25.952).
Projet de cession de parts : clauses contradictoires du document – la formalisation du projet, dans le présent cas, est assurée par une « promesse » (écrite) d’achat. Qui comporte plusieurs clauses dont les logique et contenu sont susceptibles de se contredire. Notamment en matière de type de formalités de « levée de l’option » à appliquer pour conduire à l’acquisition définitive des titres. En pareille situation, seul est applicable le type de formalités (telle l’utilisation du recommandé avec AR) prévu par la clause spécialement consacrée au procédé de la levée de l’option, quand bien même une autre clause générale du même acte prévoirait que les échanges de documents et correspondances entre parties à la promesse puissent se faire par d’autres biais, telle une remise en main propre (Cass. Com. 30 août 2023 n° 21-24.090).


Par Jean-Louis Denier, juriste d’entreprise