
Dans cette affaire, l’inspection du travail avait adressé à deux sociétés des lettres d’observations, à la suite de manquements des employeurs à leurs obligations.
Une union départementale de syndicats de salariés avait réclamé auprès du DIRECCTE, la communication de ces lettres d’observations. Devant le refus de l’administration, l’union des syndicats avait formé un recours hiérarchique, devant le ministre du Travail, puis un recours contentieux, devant le tribunal administratif de Rennes.
L’union des syndicats engage en dernier ressort une procédure d’appel devant le Conseil d’État afin de faire préciser en droit, la nature des lettres d’observations adressées par l’inspection du travail aux employeurs à l’issue de contrôles effectués dans leurs établissements.
Le Conseil d’Etat constate que ces lettres résultent de la seule pratique administrative, que leur objet et leur contenu ne sont définis par aucun texte et qu’elles ne sont pas soumises à un régime de communication spécifique, notamment à l’égard des représentants du personnel.
Pour les magistrats de la rue Cambon, il s’agit néanmoins de documents administratifs établis par des personnes publiques dans le cadre de leur mission de service public, au sens du code des relations entre le public et l’administration (art L. 300-2 du CRPA).
Cette qualification entraîne l’application d’un régime bien défini : elle signifie que l’administration doit communiquer les lettres d’observations aux personnes qui en font la demande (art L. 311-1 du CRPA).
Par exception, l’inspection du travail n’a pas à les communiquer si elles font apparaître le comportement d’une personne (en l’occurrence l’employeur) et que la divulgation de ce comportement pourrait lui porter préjudice (art. L. 311-6 du CRPA). Enfin, exception dans l’exception, l’administration peut quand même communiquer la lettre s’il est possible d’occulter ou de retirer les mentions susceptibles de porter préjudice à l’employeur.
Dans cette affaire, le tribunal administratif avait bien fait application de ces dispositions : il avait rejeté la demande de communication des lettres d’observations en raison du préjudice qu’aurait porté la divulgation de ces lettres aux employeurs. Mais il avait statué sur la base des arguments du ministre du Travail, sans se faire communiquer les lettres en question, donc sans vérifier si elles étaient effectivement susceptibles de porter préjudice aux employeurs et, dans l’affirmative, s’il n’était pas possible de communiquer ces lettres après en avoir occulté certains passages. Son jugement est donc annulé par le Conseil d’État.
Signalons enfin que la haute juridiction administrative prend soin de tracer une frontière nette entre les lettres d’observations et les procès-verbaux de l’inspection du travail. Sauf cas particulier, ces derniers sont transmis exclusivement au procureur de la République et au préfet du département (art. L. 8113-7 du code du travail ; art. 11 du code de procédure pénale).
En conséquence et suivant la décision rendue le 21 octobre (2016/392711) par les 10ème et 9ème chambres réunies du Conseil d’Etat, toute personne peut demander à voir les observations adressées par l’inspection du travail à l’employeur, sous certaines réserves.