Le café rural en question

L'urgence

5 000 buralistes de moins en 10 ans, de 55 000 débits de boissons en 1999 à 41 000 en 2006. Les causes multiples de cette érosion ont évidemment été passées en revue : répression de l'alcool, lois anti-tabac. Moins souvent cité les commissions de sécurité abusives que dénonce Eric Lejeune (Vice-président de Culture Bar-Bars) : « il devient impossible de faire un café vivant avec les réglementations acoustiques ». Frank Camus, Vice-président de la FNCB-MN évoque « le poids des charges sociales et fiscales, les coûts financiers de mises aux normes », ainsi que le para-commercialisme des « buvettes non professionnelles, les associations sportives, mairies... ». La nécessité de sauver les cafés ruraux est bien résumée par Bernard Reynal, Président de la Fédération nationale des Bistrots de Pays qui voit trois animateurs dans les villages d'autrefois : le curé, l'instituteur et le bistrot. « Les églises sont fermées, l'instituteur parti, reste le bistrotier. »

Quel cafetier êtes-vous ?

Josette Halegoi, Directrice de l'Institut Mimésis a dressé une intéressante typologie des profils-type des cafetiers actuels, montrant qu'il s'agit d'un monde hétérogène :

- les nouveaux entrants, jeunes de moins de 30 ans en recherche d'intégration sociale qui visent la fidélisation du client. Maîtres mots : générosité, confiance, ouverture.

- les investisseurs, associés ou seuls, dans une dynamique de recherche sociale, ils en sont à leur 2ème ou 3ème affaire. Maîtres mots : productivisme, pragmatique, convivialité a minima dans un but commercial.

- Les insatisfaits, seuls ou dans un couple en difficulté, sont en situation d'échec, vivent un décalage entre leur fantasme de réussite et leur réalité. Leur convivialité est calculée.

- Les "deuxième vie" (couples en harmonie) vivent une reconversion mûrie et réussie en couple. Maîtres mots : valeurs d'écoute, de partage, de générosité.

Les individus et la sociabilité

« Contrairement à ce qui a été dit, nous ne sommes pas une société individualiste. On assiste au retour de la tribu, sportive, culturelle, sexuelle... Il faut s'ajuster à ces tribus », estime le philosophe de la post-modernité Michel Maffesoli qui voit dans la cause de la désaffection des cafés ruraux plus dans « une crise sociétale dont le prurit est des lois est l'expression ». Au café de répondre à nos pulsions archaïques que sont d'une part, le lien social, qui « fait qu'on a besoin de se rassembler. La notion de café du commerce ne doit pas se réduire au commerce des biens, mais aussi au commerce des idées (...) et d'autre part, l'appétit ludique. »

Vers la multi-activité

« Avoir en un lieu unique tout ce qui disparaît ailleurs », l'avenir du café rural selon Anne-Marie Escoffier, sénateur de l'Aveyron.

Ce que propose Faitout, un concept multi-services regroupant sous sa marque les services qui manquent dans les communes rurales. L'enseigne, partenaire des communes mais aussi de cafés existants, fournira divers services aux adhérents : communication, conseil en gestion, recrutement des exploitants dans le cas d'une création par une commune, formation... Quant aux activités, la liste n'est pas exhaustive en plus du café-tabac et de l'épicerie : siège d'associations, point réservation spectacles, siège du syndicat d'initiative, épicerie basique, petit bricolage...

Philipe Gajewski, ingénieur d'étude en géographie rurale et sociale met cependant en garde contre un écueil du multiservice en termes d'images : « le client du tabac communique-t-il avec celui du bar ?» Il y a un risque de scissions locales. Les multiservices qui fonctionnent au mieux sont ceux qui émanent de demandes locales et sont entérinées par le collectif (...). A méditer.

Internet et les jeux pour l'animation

Franck Camus (FNCB-MN) met l'accent sur les cafés culture qui proposent une ouverture culturelle et un développement social avec des idées bien novatrices qui créent de nouvelles raisons d'aller au café.

L'Association des opérateurs de services et de loisirs interactifs (ASL) met gratuitement à disposition une borne publique interactive en libre-service qui donne accès à internet ou le Wifi payant. Si internet n'entre pas dans tous les foyers ruraux, on pourra y accéder en allant au café.

Quant au P.-D.G. de la Française des Jeux, Christophe Blanchard-Dignac, il annonce l'ouverture de nouveaux points de vente dans les communes de 500 habitants grâce à de nouveaux terminaux. Les 5 % de commission de la FdJ suffiront-ils à créer de l'animation ?

Ne pas perdre les fondamentaux !

Constat largement partagé par les intervenants et qu'exprime Patrick Villemin, Secrétaire général de Heineken France qui a lancé l'association Service en tête : « Avant de réinventer le café, il faiut être capable de répondre aux attentes des consommateurs : le rôle crucial du patron, épine dorsale du point de vente, chef d'orchestre de la convivialité, mais aussi de la propreté, des prix ajustés et de bons produits. » Un impératif de qualité et d'accueil qui reste la base de tout.