Au Bonheur du Bordelais

Situé à Bordeaux, Au Bonheur du Palais est le seul restaurant en France où vous pouvez goûter une cuisine sichuanaise orthodoxe. «La découverte des 23 saveurs complexes de la cuisine de la Chine du sud ouest» : plus qu'une promesse aux clients de leur restaurant Au Bonheur du Palais, la formule est un résumé de la vie des frères Shan, installés là depuis 20 ans. André le chef, et Tommy le savant communicant, donnaient déjà «un coup de main» dans le restaurant de leur père au Vanuatu (ex-Nouvelles-Hébrides). Un grand-père maternel japonais et cuisinier, un père porte-drapeau de la cuisine cantonaise et féru d'ouvrages culinaires : les racines sont solides. En 1980, avec l'indépendance des Nouvelles-Hébrides, la famille choisit la France... Dans le bagage des frères Shan installés là depuis 20 ans, les recettes de base de leurs ascendants, qu'ils vont parfaire jusqu'à une pratique aujourd'hui «influencée de façon égale par la cuisine cantonaise, très riche et subtile ; et par la cuisine sichuanaise contrastée et forte», précise Tommy Shan. Il vise à faire connaître cette cuisine régionale orthodoxe de banquets, en organisant tous les ans des voyages d'études. Et en déclinant avec son frère les vingt-trois combinaisons de la cuisine du Sichuan, à partir des sept saveurs élémentaires : sucré, salé, pimenté, acide, amer, frais, anesthésiant. Le ''triplé de volailles'' - un canard contenant un pigeon contenant une caille, les ''fourmis qui montent à l'arbre'' - un plat à base de vermicelles, le ''coup de tonnerre au riz soufflé'' sont quelques mets d'une carte élaborée «pour le plaisir de la dégustation : 10% d'alimentation, 90% de dégustation» commente Tommy Shan. Trente couverts, trois salles, cinq salariés, ouvert le soir uniquement, un menu à 38 Û et un ticket moyen à 50 Û, Au Bonheur du Palais joue la carte de qualité. «Je peux m'exprimer à ce prix-là et je ne lèse pas les gens», insiste Tommy Shan. Les produits frais (porc, poulet, pigeon) sont issus d'élevages locaux, et les épices rapportées des voyages familiaux en Chine. «Nous travaillons en dilettante, mais de façon très précise», assène Tommy Shan, autoproclamé ''marginal de la cuisine''. Sa démarche est certes originale, mais non pas isolée. Lors du dernier Vinexpo, Tommy et André ont animé l'atelier Slow Food autour du thème ''Le cochon noir de Bigorre et la tradition culinaire cantonaise''. Ils échangent ponctuellement avec les chefs girondins (Thierry Marx, Nicolas Frion, Nicolas Magie, etc.) lors de repas au Chapon Fin. Fréquemment sollicités pour des réceptions, les frères Shan ont élaboré le 11 septembre dernier le déjeuner du ''Club des 100'', les clients les plus importants de Axa, au château Suduiraut, Premier Grand Cru Classé de Sauternes et propriété du groupe. Modestie et faste, une alliance paradoxale à l'instar du décor du restaurant, de bon ton mais simple, et la cuisine sophistiquée, abondamment commentée en salle par Tommy Shan. Vingt ans après l'ouverture de leur établissement à Bordeaux, les frères Shan envisagent de vastes travaux : une quatrième salle, un fumoir, une cuisine ouverte, un centre d'enseignement culinaire. Les plans de cette ''concession chinoise'' sont prêts, mais la conjoncture économique peu favorable à un tel investissement. Passion et longueur de temps...