Le modèle sanitaire français fragilisé

Le modèle sanitaire français fragilisé

Dans son rapport annuel, rendu public le 11 février 2014, la Cour des comptes pointe des « anomalies graves » dans la mission de sécurité sanitaire des aliments conduite par la Direction générale de l’alimentation du ministère de l’Agriculture (DGAL).
Particulièrement sévère à l’égard des contrôles destinés à assurer « l’innocuité » des denrées alimentaires, les magistrats de la rue Cambon dénoncent leur absence «  à un niveau significatif » ainsi que « l’absence de sanctions suffisantes qui mettent en lumière des anomalies graves ».
Les constats concernent aussi bien les denrées animales que les produits végétaux, tant au niveau de la production, que de la transformation ou du transport et de la distribution. Elle stigmatise tout autant les professionnels, à qui revient la responsabilité première d’assurer des autocontrôles aux termes du « Paquet Hygiène » de la politique européenne, que l’État. Le rôle de ce dernier a évolué vers « un contrôle de second niveau », s’appuyant sur « un meilleur ciblage ».
La Cour des comptes souligne que les contrôles réalisés par le ministère de l’Agriculture « sont peu nombreux et les non-conformités rarement sanctionnées » dans les 506 000 établissements (de l’abattoir au restaurant) relevant de la compétence de la Direction générale de l’alimentation (DGAL). Entre 2009 et 2012, les contrôles ont baissé de 17 %, « plus de 7 % des entreprises de l’agroalimentaire n’ont pas fait l’objet d’une inspection sanitaire entre 2009 et 2012. Près de 23 % d’établissements de remise directe (restaurants sous toutes les formes de distribution) n’ont pas été contrôlés par les agents des DD(CS)PP pendant cette période ».
Malgré ce constat inquiétant qui peut avoir à terme des répercussions sur la santé publique, les enquêteurs de la Brigade nationale d’enquêtes vétérinaires et phytosanitaires du ministère de l’Agriculture (une dizaine d’enquêteurs spécialisés rattachés à la BNEVP) dénoncent régulièrement dans leurs rapports d’enquête des « manquements graves aux conditions d’hygiène », des « failles de traçabilité » et « l’absence de transparence » observés dans l’agroalimentaire.
Sans attendre la publication du rapport de la Cour des comptes, le Syndicat national des inspecteurs en sécurité publique vétérinaire (SNISPV) avait déjà alerté en 2012 le ministre de l’Agriculture sur les obligations de l’État en charge d’assurer la sécurité alimentaire : « la survenue d’un accident sanitaire majeur n’est plus qu’une question de temps » avait notamment souligné le syndicat.
Le SNISPV a en outre dénoncé que près de 20 % des effectifs chargés de la sécurité sanitaire ont été supprimés depuis 2005 (suppression drastique de 620 postes d’inspecteurs de santé publique vétérinaire et de techniciens entre 2007 et 2012).
Dans son rapport, la Cour des comptes déplore la confidentialité de nombreuses enquêtes et « un faible taux de poursuite qui décourage les agents de contrôle ». À cette situation, des raisons multiples : « Réticence des inspecteurs ou des contrôleurs » à réprimer en raison de l’actuelle conjoncture économique défavorable aux industries de l’agroalimentaire, « défaillance de la hiérarchie à tous les niveaux », un « échelon local, fortement soumis à la pression sur l’emploi », ou encore les procureurs qui « hésitent souvent à engager des procédures pénales, et renvoient les services de contrôle vers des suites administratives ».
Pour la juridiction, la politique en matière de sécurité des aliments menée par le ministère de l’Agriculture ne répond que partiellement aux objectifs fixés par les règlements européens 852/2004 et 853/2004 en matière d’hygiène alimentaire. « La DGAL a tendance à privilégier l’accompagnement des professionnels plutôt que la sanction des écarts. Lorsque l’approche pédagogique vis-à-vis des opérateurs, qui a été la règle au cours des trente dernières années, ne donne pas les résultats attendus, il faut avoir recours à la contrainte », indique le rapport.