
Depuis plusieurs mois, la location meublée saisonnière sur des plateformes de réservation de meublés de tourisme, type Airbnb, Homeaway, Housetrip, Abritel, Wimdu, ParisAttitude et Sejourning, explose dans l’Hexagone et a conduit les hôteliers et les syndicats professionnels du secteur des industries hôtelières à engager des actions auprès des institutionnels, des pouvoirs publics et de la justice afin de dénoncer la « concurrence déloyale récurrente » des plateformes de location de meublés de tourisme de courte durée, en violation de leurs obligations de la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016, dite loi pour une République numérique et du Code du tourisme.
La Commission européenne met en demeure Airbnb
La Commissaire chargée de la justice, des consommateurs et de l’égalité des genres, Vera Jourovà de la Commission européenne a récemment donné à Airbnb jusqu’à fin août 2018 une mise en demeure pour mettre ses conditions d’utilisation en conformité avec les règles européennes et rendre ses tarifs plus transparents, faute de quoi la plateforme de réservation en ligne de location de meublés Airbnb pourrait se voir imposer des sanctions.
Selon Vera Jourovà, Airbnb devrait notamment « modifier la manière dont sont présentées ses informations tarifaires dès la recherche initiale d’un hébergement sur son site web ». Le consommateur devrait ainsi être « informé du prix total incluant tous les frais et suppléments obligatoires applicables, tels que les “frais de service” et les “frais de ménage” », et savoir « si la proposition émane d’un hôte privé ou d’un professionnel » car les règles de protection sont différentes selon le cas.
Manque de transparence des prix et autres pratiques commerciales déloyales
Les termes des contrats de la société de location touristique en ligne et la manière dont elle présente ses prix à ses utilisateurs ne sont pas conformes à la législation européenne, et ce au détriment des consommateurs, a déploré l’exécutif européen.
Pour la Commissaire de la Commission européenne, la présentation actuelle des prix et un certain nombre de conditions d’Airbnb sont contraires à la directive sur les pratiques commerciales déloyales, à la directive concernant les clauses abusives dans les contrats et au règlement concernant la compétence judiciaire en matière civile et commerciale.
» En clair, la Commission européenne demande à Airbnb de répondre à ses exigences en la matière d’ici septembre prochain : Modifier la manière dont sont présentées ses informations tarifaires dès la recherche initiale d’un hébergement sur son site web, afin de veiller, chaque fois qu’un bien est proposé, à ce que le consommateur soit informé du prix total incluant tous les frais et suppléments obligatoires applicables, tels que les « frais de service » et les « frais de ménage », ou, lorsqu’il n’est pas possible de calculer le prix final à l’avance, à ce que le consommateur soit clairement averti des suppléments éventuellement applicables.
» Clairement préciser si la proposition émane d’un hôte privé ou d’un professionnel, les règles de protection des consommateurs étant différentes selon le cas.
Clarification des conditions ou suppression des conditions illégales
Les conditions de service d’Airbnb devraient être mises en conformité avec le droit européen des consommateurs d’ici septembre prochain.
La directive concernant les clauses abusives dans les contrats exige que les conditions et les clauses standardisées ne créent pas un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment du consommateur. La directive exige également que les clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible, de sorte que les consommateurs soient informés de manière claire et intelligible de leurs droits.
Enfin, Airbnb devrait fournir un lien aisément accessible vers la plateforme de règlement en ligne des litiges (RLL) sur son site web et toutes les informations nécessaires relatives à la résolution des litiges, conformément au règlement (UE) n° 524/2013 du Parlement européen et du Conseil du 21 mai 2013 relatif au règlement en ligne des litiges de consommation.
Mise en demeure de se mettre en conformité au règlement européen
Airbnb dispose d’un délai expirant à la fin du mois d’août 2018 pour présenter à la Commission européenne des propositions détaillées de mise en conformité de son mode de fonctionnement avec la législation européenne en matière de protection des consommateurs. Si les propositions de la société Airbnb sont jugées insuffisantes, les autorités de protection des consommateurs pourront décider d’appliquer dans les prochains mois des mesures d’exécution prévues par les règlements européens.
La ville de Paris assigne en justice la plateforme Airbnb
Récemment, l’adjoint en charge du logement à la mairie de Paris a indiqué à la presse que la ville de Paris assignait devant le tribunal d’instance de Paris, Airbnb, la plateforme de réservation en ligne de logements meublés destinés principalement aux touristes pour une courte durée.
Cette assignation se justifie par le fait que la plateforme Airbnb France n’a pas encore retiré de son site la totalité des annonces de location de meublés de tourisme qui n’ont pas de numéro d’enregistrement obligatoire depuis le 1er décembre 2017 en application de la loi Lemaire.
Contestant cette action en justice, le conseil d’Airbnb a soulevé le 12 juin dernier, deux questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) auprès du tribunal de grande instance de Paris. Le « mémoire destiné à formuler ces deux QPC », évoque une « violation du droit de propriété » et une « violation du principe d’égalité devant les charges publiques ». La première est la loi Alur de 2014, qui consacrait la limite des 120 jours de location par an en meublé touristique, la seconde la loi pour une République numérique de 2016 dite loi Lemaire, qui permet aux villes de rendre l’enregistrement en mairie obligatoire pour louer sur Airbnb.
Par ailleurs, selon la ville de Paris, le volume d’amendes pour location illégale de meublés de tourisme au 15 août 2018 a déjà dépassé le niveau de l’année 2017, et a rapporté 1,384 million d’euros depuis le début de l’année : 111 logements sont concernés pour une moyenne de 12 000 € d’amende. Il s’agit de « multi-propriétaires » louant indûment leur(s) résidence(s) secondaire(s).
En cinq ans, Paris a perdu quelque 20 000 logements, transformés en meublés touristiques et loués en permanence. Cette année dans Paris intra-muros, Airbnb compte 65 000 hébergements, alors que 80 000 chambres d’hôtels existent dans la capitale. Face à « l’explosion des locations illégales » et au « manque de logements », Ian Brossat, adjoint chargé du logement, souhaite interdire la location d’appartements entiers dans le centre de Paris, soit les 4 premiers arrondissements qui sont très touristiques…
Extrait du communiqué du 18 juillet 2018 de la DGCCRF sur les pratiques de la plateforme Airbnb Irlande
Cette procédure est l’aboutissement d’une action menée au plan européen par le réseau de coopération CPC (Consumer Protection Cooperation) qui réunit les autorités de protection des consommateurs dans l’Union européenne. Ce projet a été coordonné par la Commission européenne et la Norvège.
Les autorités membres du réseau – la DGCCRF pour les autorités françaises – ont examiné la conformité des conditions générales de la plateforme de réservation Airbnb et constaté conjointement divers manquements à la législation communautaire sur les pratiques commerciales déloyales et les clauses abusives.
Elles ont ainsi relevé un manque de transparence dans les tarifs proposés : l’ensemble des frais et suppléments doivent apparaître dès la recherche initiale et non pas être ajoutés tout au long de la réservation. De plus, le consommateur doit savoir si l’offre d’hébergement provient d’un particulier ou d’un professionnel.
Les conditions générales proposées par la plateforme comportent un certain nombre de clauses abusives. Par exemple, la plateforme ne peut pas modifier unilatéralement ses conditions générales sans en informer préalablement les utilisateurs. De même, Airbnb ne peut disposer d’un pouvoir discrétionnaire illimité lui permettant de procéder à la suppression de contenu. Il ne doit pas davantage pouvoir déterminer unilatéralement quelles conditions peuvent continuer de s’appliquer en cas de résiliation du contrat.
La plateforme Airbnb Irlande a reçu la position commune qui reprend l’ensemble de ces constats partagés par les membres du réseau CPC. Elle doit apporter des propositions de mise en conformité avant la fin août 2018. À cette date, après une ultime rencontre avec les représentants de la plateforme, les autorités européennes de la consommation pourront, le cas échéant, décider d’engager des actions au plan national à l’encontre de la plateforme Airbnb.
La Commission européenne et les autorités de protection des consommateurs de l’Union européenne mènent régulièrement des actions communes. C’est dans ce cadre que la DGCCRF avait piloté une action commune pour faire supprimer les clauses illégales des conditions d’utilisation des réseaux sociaux.
Source : https://www.economie.gouv.fr/dgccrf
La justice française saisit la CJUE
Dans le cadre de l’information judiciaire ouverte à la suite d’une plainte déposée par l’Association pour un Tourisme et un Hébergement Professionnels (l’AhTop) à l’encontre d’Airbnb pour exercice illégal de la profession d’agent immobilier, le juge d’instruction Renaud van Ruymbeke, doyen du pôle financier du tribunal de Paris, a saisi la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) de plusieurs questions préjudicielles relatives à l’interprétation qu’il convient de donner au droit communautaire, qui prévoit sous certaines conditions la liberté de prestations de services (directive de l’UE 2000/31) et aux normes européennes applicables en matière d’agent immobilier .
Les utilisateurs des plateformes collaboratives dans le collimateur du fisc
L’article 4 du projet de loi sur la lutte contre la fraude fiscale prévoit de taxer les utilisateurs des plateformes qui « mettent en relation à distance, par voie électronique, des personnes en vue de la vente d’un bien, de la fourniture d’un service ou de l’échange ou du partage d’un bien ou d’un service ». D’après le projet de loi, les plateformes collaboratives auront l’obligation de transmettre automatiquement à l’administration fiscale le détail des revenus encaissés par leurs utilisateurs à chacune de leur interaction. Le texte prévoit également les conditions dans lesquelles les plateformes collaboratives doivent informer leurs clients des revenus qu’ils ont engrangés et de leurs obligations fiscales. Après son examen par la commission des lois de l’Assemblée nationale, le projet de loi devrait être soumis au vote des parlementaires à l’automne et se faire ressentir sur l’avis d’imposition 2020 sur les revenus de 2019.