Les réponses des professionnels

Vous avez été nombreux à réagir à notre dossier du mois de septembre « Comment défendre la qualité en restauration ? ». La plupart des restaurateurs souhaitaient apporter leurs réponses, sans toutefois donner leur nom... Le sujet étant brûlant, on peut les comprendre ! Voici une sélection des témoignages qui nous ont été envoyés.


Réaction d’un restaurateur


des Cévennes travaillant uniquement à base de produits frais et équipé de vieux fourneaux, cheminée au bois de Lozère...
Alors que nous sommes un métier d’artisan culinaire et de transmission, les restaurateurs payent aujourd’hui leur manque d’évolution intellectuelle, car beaucoup ne se sont pas remis en question, aussi bien sur leurs produits, que dans leurs méthodes de travail. Aujourd’hui, c’est du n’importe quoi dans les cuisines. La culture ne concerne qu’une minorité de personnes et la restauration avec des produits de qualité ne concerne que ceux qui ont cette culture. Dans mon restaurant, situé dans le parc national des Cévennes, d’une cinquantaine de places, à moins de 50 kilomètres de Montpellier/Nîmes/Florac, Gorges du Tarn, ma réputation est faite depuis des lustres, mon fils a repris le flambeau et mon petit-fils s’y intéresse. Ce nouveau label censé identifier les restaurateurs qui travaillent avec des produits frais, risque d’être utilisé à mauvais escient par certains restaurateurs peu scrupuleux et croyez-moi, ils sont nombreux ! Il faut être réaliste.  Ce label « fait maison », qui sera facultatif, ressemble plutôt à nouvelle tartufferie des politiques.


Réaction d’un restaurateur d’Arles


En tant que restaurateur diplômé du BP cuisinier, je n’ai pas besoin d’un « label qualité », de plus, pour annoncer à mes clients que les plats sont préparés maison. Je l’annonce aux clients et ma cuisine est grande ouverte à la DDPP pour qu’ils viennent me contrôler s’ils ont encore les moyens de se déplacer dans les restaurants... (je n’ai pas eu de contrôle depuis 4 ans !).
Pour ceux qui ne le sauraient pas, le label officiel  Maître restaurateur existe déjà depuis plusieurs années mais il représente dans la profession à peine 1 % des restaurateurs. Ce label implique par exemple le respect d’un cahier des charges incluant des clauses parfois inintéressantes, difficiles à respecter en totalité pour un petit établissement comme moi (30 places maximum), l’obligation de payer une cotisation annuelle, et, surtout, au restaurateur de payer à ses frais les contrôles effectués par un organisme indépendant pour vérifier que ces clauses sont respectées...C’est un renversement de la charge de la preuve, et à nos frais...


Réaction d’un restaurateur de Montpellier


Oui à un label « Fait Maison », mais on ne doit pas faire de distinction entre les modes de conservation des matières premières. Un restaurant comme le mien, qui fait plus de 200 couverts par jour, ne peut se permettre de travailler qu’avec des produits frais. Ainsi, quand j’achète des produits de base congelés ou surgelés et qu’ensuite je réalise mes plats à l’aide de ces produits, selon cette nouvelle législation, je ne pourrais pas prétendre à être un restaurant « Fait Maison » ! Pourtant je cuisine tous mes plats.
De même, pour l’utilisation de certains poissons qui sont congelés directement sur les bateaux de pêche, faut-il arrêter de faire du poisson car je ne pourrais pas travailler en frais ? Il faut donc faire la différence entre les plats préparés sur place avec du surgelé ou non, de ceux qui reçoivent leurs plats cuisinés à l’avance en barquette et qui ne font que du dressage.


Arnaud Beauvais, restaurateur au Jardin Gourmand à Lorient


« Redonnons du pouvoir à notre politique d’achat »


Pour rester crédible aux yeux de nos clients et prétendre pouvoir défendre l’image et la qualité de notre gastronomie ainsi que celle de notre réputation professionnelle, à la fois locale, nationale et internationale, il faut commencer à la base par quelques pratiques et idées de bon sens : acheter et cuisiner des produits frais de qualité au jour le jour. Favoriser les achats de vos produits au maximum localement avec des producteurs sélectionnés pour la qualité, la fraîcheur, l’économie durable et citoyenne de l’agglomération, puis améliorer ses coûts d’achat et de production. Nommer verbalement (ou par écrit) sur la carte les producteurs auprès de la clientèle. Redonner à tous le goût du travail artisanal bien fait, pour nous, mais aussi surtout pour nos équipes et nos clients qui seront alors nos meilleurs ambassadeurs. La gastronomie n’est pas ou ne devrait pas se substituer au simple fait d’être reconnue par le « haut de gamme ». Il n’est nullement nécessaire de chercher à se cacher derrière un nouveau « sigle » ou « label » à afficher sur les cartes ou les façades, car en fait, celui des « Maîtres restaurateurs » qui est déjà existant peut remplir les conditions souhaitées !