
Au cours de la dernière saison estivale, plusieurs affaires de cambriolage ont frappé l’hôtellerie sur la Côte d’Azur. Au vu des actualités inquiétantes pour les établissements hôteliers qu’ils soient haut-de-gamme, de luxe ou économiques (57% des professionnels disent avoir déjà été victimes de cambriolage selon Hospitality On), il est opportun de revenir sur la question de la responsabilité des professionnels et des clients suivant la législation en vigueur en cas de vol par effraction ou non.La législation en vigueur
Les articles 1953 et 1954 du Code civil et l’article L.311-10 du Code du Tourisme font référence à la présomption de responsabilité des hôteliers en cas de vols ou de dommages causés aux bagages, vêtements et autres objets apportés dans l’établissement par le client.Ainsi, le gérant d’une industrie hôtelière est responsable de plein droit et sans qu’il soit besoin d’établir sa faute, des biens de ses clients dans les lieux placés sous la surveillance de son établissement hôtelier, notamment en cas de vol ou de dommage causé aux effets des clients, qu’il ait été commis par un employé ou par un étranger.
Cependant, l’hôtelier peut s’exonérer de toute responsabilité s’il démontre la faute intentionnelle de son client.
La présomption de responsabilité de l’hôtelier telle qu’énoncée par l’article 1952 du Code Civil ne s’applique pas pour les clients venus prendre un repas dans l’établissement hôtelier. Il en est de même lorsqu’un salon de l’hôtel a été loué pour une réception.
En matière de responsabilité, le contrat d’hôtellerie s’applique donc uniquement aux clients qui logent dans l’hôtel.Le contrat de dépôt
Le contrat de dépôt, en général, est mentionné aux articles 1915 à 1953 du Code civil « une convention par laquelle une personne, appelée le “dépositaire”, se charge gracieusement de la conservation d’un objet mobilier ou d’une somme d’argent que lui remet le “déposant”».
L’article 1915 du Code civil le définit comme : « (….) un acte par lequel on reçoit la chose d’autrui, à la charge de la garder et de la restituer en nature »
En hôtellerie, le dépôt est qualifié de nécessaire. En tant que tel, la responsabilité de l’hôtelier est automatique.La responsabilité de l’hôtelier
L’hôtelier ne peut pas se dégager de sa responsabilité sauf s’il démontre un cas de force majeure ou la faute du client.
La responsabilité de l’hôtelier est illimitée si les biens sont confiés à l’hôtelier pour être placés dans le coffre de l’hôtel (par exemple, objets de valeur tels que des bijoux), si l’hôtelier refuse de garder les biens sans motif légitime et s’il y a faute caractérisée de l’hôtelier ou d’un de ses employés (défaut de surveillance des clés des chambres, portes ou fenêtres mal verrouillées…).
Il importe de préciser que l’hôtelier ne peut pas s’exonérer de sa responsabilité en invoquant le fait d’autrui (préposés, personnes étrangères allant et venant dans l’hôtel).
Enfin, il faut savoir que toute clause du règlement intérieur de l’hôtel (notes d’informations) ou tous panneaux d’informations apposés aux portes intérieures des chambres, dégageant la responsabilité de l’hôtelier dans de telles situations, ne constitue pas pour autant, selon la jurisprudence en la matière, une décharge de responsabilité acquise pour l’hôtelier.La faute intentionnelle du client
Selon la jurisprudence, la responsabilité de l’hôtelier peut être atténuée ou écartée lorsqu’il démontre l’imprudence du client qui laisse des objets de grande valeur dans sa chambre sans en avertir l’hôtelier.
Il en est de même lorsque le client oublie de fermer la porte ou la fenêtre de sa chambre.
Si le client se fait voler un objet de valeur qui n’a pas été mis dans le coffre-fort de la chambre mis à sa disposition, sa responsabilité peut être retenue par les juges. C’est le cas par exemple d’un client qui occupe depuis plusieurs jours une chambre possédant un coffre fort et qui choisit de façon délibérée de laisser ses bijoux de valeur sans aucune protection.
La faute du client peut être éventuellement engagée si l’hôtelier démontre que son client ne s’est pas conformé aux consignes de sécurité affichées dans la chambre l’invitant à déposer dans le coffre-fort de la réception de l’hôtel leurs biens d’une valeur supérieure à une somme fixée par la compagnie d’assurance couvrant les risques professionnels (se rapporter à l’arrêt de la Cour de cassation du 12 juillet 2012 page suivante).
Cependant, il faut retenir néanmoins que si la jurisprudence civile est divisée, une majorité de décisions exclut la faute du client en cas de vol de bijoux, d’objets ou d’argent laissés dans une chambre.
En conséquence, il appartient aux clients de vérifier la présence de toutes clauses limitatives de responsabilités lorsque des biens sont entreposés dans les chambres, de demander un complément d’information à l’hôtelier et en cas de doute, de remettre ses effets à la réception (contrat du dépôt nécessaire).La force majeure
L’article 1954 alinéa 1 du code civil exonère l’hôtelier de sa responsabilité en cas de vol ou dommage arrivés par force majeure, à condition de démontrer les faits allégués.
Sur ce point, la chambre civile de la Cour de cassation a régulièrement confirmé dans ses décisions que l’irrésistibilité de l’événement constitue bien à elle seule la force majeure mais à la condition que ses effets ne puissent être prévus.
En effet, dans une affaire de vol commis dans un établissement hôtelier, la chambre civile de la Cour de cassation a refusé la force majeure au motif que l’hôtelier n’avait pas pris toutes les mesures requises pour éviter la réalisation du vol. Les magistrats ont notamment reproché à l’hôtelier que le dispositif de surveillance aux entrées de l’établissement était déficient (défaut dans son obligation générale de surveillance).Vol sur les parking d’un hôtel
La responsabilité de l’hôtelier peut être engagée à partir du moment où il met à la disposition de sa clientèle un parking privé en commodité, peu importe que l’hôtelier soit propriétaire ou non de ce parking.
Quant aux documents commerciaux mentionnant que “l’hôtelier n’est pas responsable en cas de vol ou de dommage causé sur le parking”, ceux-ci n’ont pas de valeur juridique et ne peuvent permettre à l’hôtelier de s’exonérer de sa responsabilité légale.
Par ailleurs, l’alinéa 2 de l’article 1954 du code civil prévoit que les hôteliers sont également responsables des objets laissés dans les véhicules stationnés sur les lieux dont ils ont la jouissance privative.
À noter que la Cour de cassation a jugé que la responsabilité de l’hôtelier n’est pas retenue dès lors que celui-ci démontre que les portes du véhicule de son client, en stationnement sur le parking mis à la disposition des voyageurs, n’ont pas été verrouillées au moment du vol.
En cas de vol du véhicule et des objets laissés à l’intérieur, l’indemnisation se fait sur la base uniquement du plafond de 50 fois le prix de la chambre. Les plafonds de l’indemnisation prévus par les articles 1953 et 1954 ne se cumulent pas.L’indemnisation civile
Selon l’article 10 de la loi n°2009-526 du 12 mai 2009, l’indemnisation est illimitée :
- si les biens avaient été confiés à l’hôtelier pour être placés dans le coffre de l’hôtel (par exemple, objets de valeur tels que des bijoux déposés et délivrance d’un reçu mentionnant la valeur de chaque bien),
- ou si l’hôtelier a refusé de garder les biens sans motif légitime,
- ou en cas de faute caractérisée de l’hôtelier ou d’un de ses employés.
Dans les autres cas, l’indemnisation du client est partielle. Elle est plafonnée :
- à 100 fois le prix de la chambre pour les objets volés ou endommagés dans l’hôtel (chambres),
- et à 50 fois le prix de location du logement par journée, pour les objets laissés par les voyageurs dans les véhicules stationnés dans un lieu dont l’hôtelier a la jouissance privative.
- et à 50 fois le prix de la chambre en cas de vol du véhicule stationné sur le parking mis à la disposition de la clientèle par l’hôtelier.
Le client doit prouver la réalité du vol ou la détérioration de ses effets.
Quand il s’agit d’un vol ou d’une détérioration de ses biens, le client doit porter plainte sur procès-verbal auprès d’un officier de police judiciaire (police ou gendarmerie nationale) en apportant une description complète et cohérente des objets volés.
Ainsi et selon la jurisprudence en la matière, le client doit prouver la réalité du vol ou la détérioration de ses effets survenus pendant son séjour dans l’hôtel.
Pour cela, il doit rassembler tous les éléments en sa possession pour prouver le vol (factures, photos, témoignages, train de vie du client, classement et notoriété de l’hôtel…). Ces informations doivent corroborer les affirmations du voyageur pour créer des présomptions suffisantes.
Le montant du dommage réparable est d’abord le préjudice matériel, c’est-à-dire le coût du remplacement du bien, en cas de vol ou de destruction totale, ou les frais de remise en état en cas de dégradation partielle.
Par ailleurs, le juge du fond peut accorder la réparation du préjudice moral subi par le voyageur.
Comment se prémunir ?
Pour se prémunir de tels incidents néfastes pour l’image de l’établissement hôtelier, le responsable doit d’abord s’investir dans la formation du personnel en matière des règles de sécurité et de surveillance.
Compte tenu des obligations de prévention mises à la charge des hôteliers du fait de leur responsabilité présumée, l’hôtelier doit également s’investir dans l’installation de systèmes de surveillance adaptés au sein de l’hôtel et de ses annexes (parking…).
Il s’agit particulièrement de l’équipement de systèmes électroniques, de systèmes de fermeture sophistiquée avec des clefs magnétiques et de la vidéosurveillance permettant de retracer les mouvements des personnes dans l’ensemble des locaux de l’établissement hôtelier (autorisation préfectorale, déclaration au CNIL et information du personnel).
En outre, l’hôtelier doit souscrire une assurance professionnelle « responsabilité civile ». Cette assurance doit couvrir la garantie de la responsabilité « dépositaire » au titre de laquelle l’hôtelier est présumé responsable des dommages (vol, détérioration) causés par lui-même, ses préposés ou des tiers extérieurs ; aux effets ou biens du client qui loge à l’hôtel, ainsi que la garantie de responsabilité pouvant jouer en cas de dommages corporels subis par les clients dans son établissement (agression, accident corporel en raison d’un défaut de surveillance ou d’organisation de l’hôtel). Dans les termes « biens », il faut inclure les vêtements et tous objets apportés par le voyageur.
En conclusion, l’importance particulière des obligations mises à la charge des industries hôtelières du fait de leur responsabilité présumée, impliquent pour les professionnels d’être particulièrement attentifs aux règles de sécurité dans l’environnement de leur établissement et aux dispositifs de prévention à travers l’installation de systèmes de surveillance adaptés et performants.
La responsabilité de l’hôtelier «stricto sensu» s’applique donc uniquement à l’égard du voyageur qui fait un séjour bref et effectif dans l’établissement recevant du public.
JURISPRUDENCE
Le non respect des préconisations de sécurité par le client peut limiter la responsabilité de l’hôtelier.
Dans un arrêt rendu le 12 juin 2012, la 1ère chambre civile de la Cour de cassation a jugé qu’une clause limitative de responsabilité de l’hôtelier n’est valable qu’à la condition d’apporter la preuve que les clients en ont pris connaissance et qu’ils l’ont acceptée (pourvoi n° 11-18450).
Dans cette affaire, des clients d’un hôtel de luxe Grassois ont été victimes du vol des biens de valeur qu’ils avaient placés dans le coffre individuel mis à leur disposition, lequel a été arraché par des cambrioleurs qui se sont introduits dans la chambre sans effraction.
Devant la Cour d’Appel, les clients faisaient également valoir que le personnel d’entretien ait commis une faute en ne verrouillant pas la porte-fenêtre de la chambre par laquelle s’étaient manifestement introduits les cambrioleurs.
L’hôtelier, quant à lui, soulevait que la faute des clients présente une particulière gravité, du fait que les clients avaient déposé leurs bijoux d’une valeur totale de 146 149,00 euros dans le coffre de la chambre de l’hôtel malgré les consignes de sécurité affichés précisant que la responsabilité de l’hôtel était limitée à 22 400 euros et qu’ils avaient ainsi commis une faute. Dans le cas d’espèce, l’hôtelier avait fait établir une série d’attestations obtenues auprès de la clientèle de l’hôtel, qu’il existe effectivement des avertissements affichés dans les chambres.
La Cour d’appel n’a fait droit que partiellement à la demande des clients en réparation des préjudices subis puisqu’elle a considéré que ces derniers étaient également fautifs pour ne pas avoir respecté les consignes de sécurité affichées dans la chambre « …les époux X… avaient commis une faute en déposant les bijoux dans le coffre de leur chambre et participé à leur propre dommage ».
Les clients forment alors un pourvoi contre cette décision en arguant qu’ils n’avaient pas connaissance des consignes de sécurité.
La Cour de cassation rejette le pourvoi en estimant que les époux X…, victimes d’un vol de biens de grande valeur dans leur chambre, se sont contentés de relever que « …des avertissements avaient été affichés dans les chambres, invitant les clients à ne conserver dans les coffres des chambres que des valeurs inférieures à 22 400 euros… ».
Les hauts magistrats ont pu en déduire qu’ils avaient ainsi commis une faute ayant contribué à la réalisation de leur préjudice pour la fraction excédant cette somme.
En conséquence, une telle exonération de la responsabilité de l’hôtelier est notoirement admise, en présence d’une faute d’une certaine gravité, et, si elle est admise, il revient alors au juge de déterminer son degré d’influence sur la réalisation du dommage.
Ainsi, il appartient donc aux clients de vérifier la présence de toutes clauses limitatives de responsabilités lorsque des biens sont entreposés dans les chambres, de demander un complément d’information à l’hôtelier à ce sujet et qu’en cas de doute, remettre ses effets de valeur à la réception contre reçu.