Peut-on faire travailler son personnel le 1er mai ?

Peut-on faire travailler son personnel le 1er mai ?
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C’est la question posée après une série de contrôles de la Direccte (Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi) de Bourgogne-Franche-Comté opérés le 1er mai dernier auprès d’une vingtaine de restaurateurs de Dijon. Certains ont décidé alors de fermer immédiatement leur établissement. D’autres l’ont maintenu ouvert à la clientèle au risque d’être sanctionnés d’une amende de 4e classe (750 € par salarié).


Un contrôle inattendu et incompréhensible
Dans cette affaire, des contrôleurs et inspecteurs du travail de la Direccte procèdent à un contrôle inopiné d’une vingtaine d’établissements de restauration dans la cité des ducs le jour de la fête du travail du 1er mai 2018 (suivant le Code du travail, le 1er mai est le seul jour férié légal qui doit être obligatoirement chômé : en principe, il n’est pas travaillé mais doit être payé).
Ces agents relèvent l’identité des salariés présents dans l’établissement ouvert au public. Après avoir rappelé aux contrevenants les dispositions en matière de jours chômés, les restaurateurs sont invités séance tenante à congédier leurs salariés le temps de la journée de la fête du travail ou être verbalisés. La situation provoque l’incompréhension chez les professionnels.
Par un courrier daté du 16 mai 2018, la Direccte de Bourgogne-Franche-Comté confirme la régularité de ce contrôle et invite le responsable de l’établissement de restauration à prouver que son activité commerciale est de nature à être autorisée à employer des salariés le 1er mai, selon l’article L.3133-4 du Code du travail et à formuler ses observations sur les infractions constatées par les inspecteurs du travail.


Les industries hôtelières entrent dans le champ de la dérogation au chômage du 1er mai
L’article 26-1 de la convention collective nationale des cafés, hôtels et restaurants (CHR) du 30 avril 1997 permet aux entreprises du secteur de faire travailler leurs salariés le 1er mai à condition de payer double cette journée.
Suivant l’article L. 3133-6 du Code du travail, le secteur de l’hôtellerie-restauration comptait parmi les activités qui pouvaient déroger au chômage du 1er mai (institué par l’article L. 3133-4 du Code du travail). La dérogation au chômage du 1er mai telle que définie par l’article L.3133-6 du même Code prévoit en effet une possibilité de dérogation pour « les établissements et services qui, en raison de la nature de leur activité, ne peuvent interrompre le travail ». Les professionnels du secteur des industries hôtelières étant considérés, eux, comme participant « à la continuité de la vie sociale en concourant à la satisfaction d’un besoin essentiel du public » avaient la possibilité d’ouvrir au public leur établissement sans contrainte des pouvoirs publics.
L’article R3132-5 du Code du travail précise que certains établissements, dont le fonctionnement ou l’ouverture est rendu nécessaire par les contraintes de la production, de l’activité ou les besoins du public, peuvent de droit déroger à la règle du repos dominical en attribuant le repos hebdomadaire par roulement. Ce texte donne la liste des établissements, au nombre desquels on trouve notamment les restaurants, les hôtels et les cafés.
Dans sa note de service adressée à toutes les Direccte le 16 avril 2012, le ministère du Travail rappelle que les établissements de restauration de toute nature (restauration sur place et à emporter, restauration rapide, etc.), du fait de la nature de leur activité, participent à la continuité de la vie sociale en concourant à la satisfaction d’un besoin essentiel du public. À ce titre, les industries hôtelières entrent bien dans le champ de la dérogation au chômage du 1er mai telle que définie par l’article L. 3133-6 du Code du travail.


La profession peut-elle se prévaloir de l’exemption prévue par le Code du travail ?
L’article L 3133-6 du Code du travail, modifié par l’article 8 de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, dispose que « dans les établissements et services qui, en raison de la nature de leur activité, ne peuvent interrompre le travail, les salariés occupés le 1er mai ont droit, en plus du salaire correspondant au travail accompli, à une indemnité égale au montant de ce salaire. Cette indemnité est à la charge de l’employeur ».
Le hic, c’est que la loi du 8 août 2016 ne définit pas clairement la liste des établissements et des services qui peuvent être autorisés à faire travailler leurs salariés le 1er mai… D’où le positionnement ambigu de l’administration chargée de faire respecter les dispositions du Code du travail en matière de dérogation au chômage du 1er mai.
Cependant, dans une réponse ministérielle publiée au Journal Officiel du Sénat du 4 août 2016 (page 3428), la ministre du Travail indique que la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 ne fixant pas précisément les secteurs susceptibles de bénéficier de cette dérogation, la position administrative constante était de considérer que «…pouvaient se prévaloir de cette dérogation, les établissements bénéficiant d’une dérogation de droit au repos dominical… ».


Un excès de zèle de l’administration ?
Dans cette affaire unique dans l’Hexagone, il s’agit là d’une attitude contradictoire des pouvoirs publics notamment de la Direccte de Bourgogne-Franche-Comté, relative aux dérogations données aux établissements et services qui conduisent les professionnels du secteur des industries hôtelières à se demander s’ils doivent à chaque fois se justifier de maintenir leur activité ce jour férié et chômé…
En conséquence et compte tenu de l’interprétation énigmatique de l’autorité de contrôle (la Direccte), la question est de savoir si le 1er mai prochain, les professionnels du secteur des HCR qui ouvrent leur établissement à leur clientèle le jour de la fête du travail, seront-ils exposés à des sanctions ?


Par Patrick Gérolami, consultant