
Cauchemar à l’hôtel, Cauchemar en cuisine, Bienvenue à l’hôtel, Patron Incognito… Les émissions de téléréalité mettant en scène des patrons de restaurant ou d’hôtel attirent un grand nombre de téléspectateurs. Retour d’expériences de quelques patrons qui se sont livrés à cet exercice.Alors que les émissions de téléréalité sont de plus en plus nombreuses, le domaine de l’hôtellerie et la restauration n’a pas échappé à cet engouement. Les émissions telles que Patron Incognito (produite par la société Endemol) diffusée sur M6 en prime time permettent d’humaniser les dirigeants de société et de mettre en premier plan les réalités du terrain (lire ci-dessous). Autre apport de ces émissions, faire découvrir des métiers parfois mal connus du grand public.
Dans un autre registre, Bienvenue à l’hôtel sur TF1, permet aux hôteliers de mieux se faire connaître et d’augmenter la fréquentation de leur établissement. Chaque semaine, quatre couples d’hôteliers sont en compétition. Chaque couple passe une journée et une nuit chez les autres compétiteurs et leur attribue une note en fonction de quatre critères – le cadre et la situation, l’accueil et les prestations, la qualité des extras, la chambre – (lire ci-dessous).
Parmi les autres émissions, Cauchemar à l’hôtel, un concept décliné de Cauchemar en cuisine (lancé en 2011), sur M6 mettant en scène le chef cuisinier Philippe Etchebest qui cherche à venir en aide aux hôteliers en proie à des difficultés financières. Le mode de mise en scène est souvent assez caustique, le chef n’hésitant pas à invectiver les propriétaires ou le personnel pour pointer les dysfonctionnements (lire "Retours d’expérience très contrastés pour Cauchemar à l’hôtel diffusée sur M6").
Ces émissions ou des extraits peuvent toujours être visionnés à tout moment en replay.
Alain Brière dans Patron Incognito sur M6
« Une expérience extrêmement enrichissante »
PDG de la chaîne d’hôtels Balladins, Alain Brière s’est prêté au jeu de l’émission Patron Incognito, diffusée sur M6, le 26 novembre 2015 en début de soirée. Pour cela, il s’est grimé et s’est mis dans la peau d’un stagiaire en reprise d’activité. Il a infiltré quatre établissements de la chaîne (dans le Nord, près de Lyon et en région parisienne), en travaillant aux côtés de plusieurs salariés à différents postes comme réceptionniste, technicien de maintenance. Retour sur cette participation qui a été riche d’expériences et suivie par plus de 2 millions de téléspectateurs.Qu’est-ce qui vous a conduit à participer à cette émission ?
Alain Brière : Mon responsable marketing me l’avait proposé il y a un an et demi. Je n’avais alors pas souhaité donner suite car j’estimais que ce n’était pas le moment opportun. Puis la situation a évolué et en mars 2015 il m’a semblé qu’il n’était pas inintéressant d’aller sur le terrain pour connaître le ressenti des clients ainsi que des collaborateurs.
Quels sont les principaux enseignements de cette participation ?
Chaque métier possède ses automatismes et ses codes. Cela m’a beaucoup apporté de retourner sur le terrain dont nous pouvons nous éloigner quand nous passons notre temps à élaborer des stratégies dans nos bureaux. La grande leçon que je retiens c’est que les décisions prises doivent prendre en compte les salariés sur le terrain, faute de quoi, elles ne seront pas ou mal appliquées.
Et quel bilan ?
Tout d’abord, une meilleure prise en compte de la sécurité m’est apparue essentielle pour rassurer les clients et les salariés. Dans l’émission, il est question d’un hôtel qui rencontre des problématiques d’éclairage et de fermeture du parking la nuit. J’ai depuis mené mon enquête sur l’ensemble des établissements pour faire remonter les éventuels dysfonctionnements. La sécurité des clients et des salariés est extrêmement importante et encore plus dans le contexte actuel.
Autre élément à considérer, la formation. Nos collaborateurs sont motivés, de bonne volonté, mais n’ont pas toujours bénéficié d’une formation en hôtellerie. Il est donc essentiel de leur apporter des formations en réception, en salle… pour leur transmettre des éléments de technique qui vont leur permettre d’évoluer.
Troisième constat, nos chambres qui ne sont pas toujours adaptées aux clients et aux salariés. Nous allons proposer une nouvelle chambre Balladins qui sera présentée début 2016 à nos investisseurs incluant des équipements adéquats et qui sera déployée en fonction des rénovations.
Quels seront ces équipements ?
Des literies davantage en hauteur, ce qui est plus esthétique et plus pratique pour le personnel. Au niveau de la salle de bain, il est possible d’inclure des agencements ergonomiques tout en étant esthétiques, par exemple, en installant des douches à l’italienne, des lavabos intégrés sans pied pour que le nettoyage soit facilité.
Quel est votre souvenir le plus marquant de cette émission ?
La rencontre avec des gens formidables tels que Peggy qui travaille comme femme de chambre depuis 18 ans, très attachante et volontaire même si elle a aujourd’hui le souhait d’évoluer dans un autre domaine compte tenu de la difficulté de son métier. Ce sont des personnes pleines d’envie, de bonne volonté, très attachées à la marque. Cela fait extrêmement plaisir de rencontrer des collaborateurs autant impliqués.
Quels ont été les moments les plus difficiles à gérer ?
Me replonger dans des métiers en lien avec la réception, la restauration…que j’ai exercés il y a bien longtemps et pour lesquels j’avais perdu les automatismes, les mots usuels, alors que les caméras me suivaient presque en permanence. J’ai été pris en main par l’équipe le dimanche à 10 heures jusqu’au vendredi à 18 heures avec une nuit passée auprès d’un réceptionniste de nuit.
Quelles sont les mesures concrètes qui ont été mises en place suite à votre participation ?
Le tournage s’est déroulé fin juin-début juillet 2015. Depuis la rentrée, nous avons mis en place au niveau des établissements filiales qui font partie de Dynamique Hôtels Management, de nombreuses formations, par exemple, auprès des collaborateurs en réception, pour savoir gérer les conflits, savoir accueillir les clients étrangers. Quant aux franchisés, nous les incitons à utiliser les formations Fafih (OPCA du secteur), pour permettre à leurs salariés d’enrichir leurs compétences.
Si c’était à refaire ?
Cette expérience a été extrêmement enrichissante. Je referais bien cette émission car les personnes se livrent plus facilement en étant incognito que si on s’annonce en tant que président. J’ai trouvé le concept assez intéressant et j’invite les patrons à y participer.
Quels retours suite à l’émission ?
Globalement, les retours ont été excellents, aussi bien des proches collaborateurs informés du tournage que des personnes plus éloignées, explique le président du groupe qui a reçu de nombreux mails, appels téléphoniques de félicitations.
Une émission suivie par plus de 2 millions de téléspectateurs qui a permis de mettre en avant la chaîne hôtelière. « Je pense que cela a été perçu comme une bonne façon d’expliquer ce que sont les métiers de l’hôtellerie. Les retours de nos clients ont également été extrêmement positifs, les échanges ont été particulièrement riches sur les réseaux sociaux, avec de nombreuses remarques, durant les 2 à 3 jours suivant l’émission », a conclu Alain Brière quelques jours après la diffusion de l’émission
Une trentaine d’années d’expérience dans le domaine de l’hôtellerie et la restauration
Alain Brière, 59 ans, président de la chaîne d’hôtels Balladins, officie depuis une trentaine d’années dans le domaine de l’hôtellerie et la restauration. Après une formation en école hôtelière, il entre en 1979 dans un groupe de restauration comme assistant de direction. En 1983, il prend la direction d’un hôtel de 100 chambres en région parisienne. Il œuvre pour le développement de plusieurs chaînes hôtelières. En 2013, il intègre DHM (Dynamique Hôtels Management) en tant que directeur général avant de devenir le président en septembre 2014, avec pour mission de reprendre la gestion des hôtels filiales et de suivre le réseau des franchisés.
Le groupe compte 104 hôtels et réalise un chiffre d’affaires d’environ 69 millions d’euros. Le groupe tend à diminuer le nombre de ses hôtels filiales pour augmenter la part des établissements franchisés. Début 2017, le réseau devrait comprendre 70% de franchisés et 30% d’établissements filiales (contre 50%-50% au dernier trimestre 2015).
D’autres patrons s’y sont collés
• Alexandre Maizoué, directeur général de La Pataterie, s’était glissé dans le rôle d’un Patron Incognito pendant une semaine et dans quatre restaurants. Il s’est fait passer pour un salarié pour découvrir si les process du concept étaient bien respectés. Le DG a travaillé en cuisine à Château-Thierry, en salle à Viry-Noureuil et à La Roche-sur-Yon et à la plonge à Basse-Goulaine. L’émission a été diffusée par M6 en janvier 2015.
Ce qui a motivé La Pataterie à proposer sa candidature à la production de l’émission, c’est l’enthousiasme montré par Nicolas Riché, PDG de Columbus, qui avait joué le jeu deux ans auparavant.
Quid du potentiel risque lié à une telle émission ? « Certes il y a des risques mais cela fait partie de la vie d’une entreprise. L’entreprenariat est une prise de risque continue ! » C’est à « pile ou face » qu’Alexandre Maizoué a été désigné, face au fondateur Jean-Christophe Pailleux, pour participer à Patron Incognito. Réalisé en septembre dernier, le tournage a cumulé 140h d’images qui ont été résumées en 1h35.
Le DG de La Pataterie a réussi à ne pas être reconnu par les employés. Ces derniers pensaient qu’il était Bertrand, récemment licencié d’une entreprise industrielle, et que le reportage porterait sur sa reconversion avec l’accompagnement de Pôle Emploi. « Le côté confidentiel a été gardé. Je ne savais pas à l’avance où j’allais aller, ni ce que j’allais faire. J’ai vouvoyé les uns et les autres qui m’ont gentiment tutoyé. Tous se sont spontanément excusés en découvrant, à la fin de l’expérience, qui j’étais réellement. »
Avant la diffusion de l’émission, Alexandre Maizoué se disait ravi d’y avoir participé. « Elle présente beaucoup d’anecdotes et des vrais moments de sincérité. On oublie rapidement les caméras lorsqu’on a 180 couverts à gérer. Et on voit la réalité des choses. J’étais satisfait de découvrir que les procédés étaient globalement respectés alors que notre parc double quasiment de taille tous les 18 mois. Nos valeurs de proximité et de générosité sont toujours au rendez-vous, c’est l’essentiel. J’ai rencontré des employés motivés comme jamais. C’était une belle leçon d’humilité. » Le DG de La Pataterie précisait aussi que ce tournage lui avait ouvert les yeux sur certains sujets, comme la formation continue qu’il souhaite davantage développer.
• Nicolas Riché, PDG de Columbus Café et A La Carte, est apparu dans l’émission Patron Incognito en décembre 2012 (dernière rediffusion en janvier 2015) après avoir été mobilisé trois semaines. « C’est très chronophage mais je ne le regrette pas. C’est une
occasion de se remettre en question et de s’interroger sur beaucoup de choses. Cela a, d’autre part, fait un vrai buzz autour de notre enseigne qui était encore toute jeune. Nous avons reçu des demandes d’ouvertures et constaté des hausses de résultats. Mais c’est surtout notre capital sympathie qui a été boosté, tant en interne qu’auprès de nos clients. L’émission a, de surcroît, développé un sentiment d’appartenance à l’enseigne chez nos employés et franchisés. » Le coffee shop situé dans la Fnac de Bordeaux a retrouvé un gain d’activité suite à la diffusion de l’émission.
• En 2013, Rodolphe Wallgren, jeune PDG fondateur de Memphis Coffee est apparu grimé sur le petit écran. « Cela m’a permis d’être en totale immersion à tous les postes et d’en comprendre les problématiques. » Le patron de Memphis avait alors découvert quelques
dysfonctionnements. « Tout ce qui a été annoncé en fin d’émission pour améliorer les choses et récompenser certains employés a bel et bien été mis en place. » Il évoque d’autre part, comme ses confrères, « un pic de fréquentation conséquent suite à la diffusion de l’émission », ainsi qu’une « hausse sensible à chaque rediffusion ».
Pour lui, le programme « apporte clairement un plus » car « les gens retiennent surtout le positif ». Patron Incognito a donc participé à l’accroissement de la notoriété de Memphis Coffee. « Il nous a permis de nous positionner clairement sur le marché. »
Le Moulin de la Brevette dans Bienvenue à l’Hôtel
Un retour d’expérience très concluant
Philippe et Violette Buchaillard qui tiennent Le Moulin de la Brevette, un hôtel 2 étoiles dans l’Ain (lire ci-dessous), ont participé à l’émission Bienvenue à l’Hôtel diffusée sur TF1 début novembre 2015 à 18h. Contacté par la société Coyotte qui produit l’émission (par mail avec un questionnaire à remplir puis une vidéo de présentation a été demandée), le couple a hésité avant de participer. « Ce choix peut être lourd de conséquences », met en avant le couple d’hôteliers. « Nous sommes des personnes plutôt discrètes et l’idée de se voir à la télévision et de s’exposer aux jugements de millions de spectateurs ne nous réjouissait pas. Nous avons hésité longuement avant de prendre une décision. Après en avoir longuement discuté ensemble, nous avons pris la décision de participer à cette émission essentiellement dans la perspective de faire connaître notre établissement. Nous habitons une région qui présente de nombreux attraits touristiques mais nous ne sommes pas aussi fréquentés que des établissements situés en bord de mer et prisés des touristes en pleine saison. Notre clientèle est principalement composée d’étrangers durant l’hiver et les hivers sont souvent très calmes. Nous avons pensé que l’émission serait peut-être le coup de pouce dont nous avions besoin pour nous faire connaître. » Quid des retours suite à l’émission ? « Aujourd’hui, nous ne regrettons pas cette décision. Nous n’avions jamais rêvé gagner et
pourtant c’est arrivé. Nous avons fait de belles rencontres et vécu une expérience hors du commun. Il ne nous reste plus qu’à espérer que notre hôtel plaira au public. »
Le couple a reçu de nombreux messages (mail et téléphone) de félicitation, entre 500 et 600. « Le soir de la finale nous avons reçu des dizaines de réservations pour le lendemain ainsi que pour 2016. Nous avons beaucoup de clients de passage, par exemple, des Parisiens, des Belges, des Hollandais qui s’arrêtent sur leur route de vacances. Sur les 400 à 500 prédemandes de réservation, j’espère qu’une sur trois sera honorée », détaille Violette Buchaillard.Un tournage éprouvant
Comment s’est déroulé le tournage ? « Les 15 jours de tournage ont été éprouvants autant physiquement que mentalement mais nous gardons un bon souvenir du passage de l’équipe. » Le couple était suivi par une équipe d’une quinzaine de personnes. Dès le petit matin, l’ingénieur son installait les micros sur les hôteliers et ne les débranchait que le soir au coucher. « Nous n’étions jamais seuls, une “nounou” était même chargée de nous surveiller en permanence. Une personne charmante qui s’occupait de nous tout au long de la journée. Au début du tournage, il nous était parfois difficile de rester naturels quand plusieurs caméras étaient rivées sur nous… C’est pourquoi durant nos séjours dans les hôtels des autres concurrents, il nous était déconseillé d’échanger avec les autres couples hors caméras, pour garder un maximum de choses à se dire durant les moments où nous étions tous réunis. » Le couple s’annonce très satisfait de l’organisation et de la prise en charge par la
production. « Le tournage a permis de mettre en valeur les établissements respectifs, les régions. Nous trouvons que l’émission reflétait exactement ce qui s’est passé lors des tournages », ajoute Violette Buchaillard. Quel a été le souvenir le plus marquant ? « Je me suis laissée émouvoir à la fin de la première journée de tournage en lisant les commentaires sur le livre d’or. J’ai lâché prise et cela était complétement inattendu. »
Si les autres participants ont avancé quelques conseils à l’intention du couple d’hôteliers comme avoir un restaurant, proposer une piscine ouverte toute l’année, aucune action et aménagements particuliers ne sont prévus. « Nous venons d’achever la rénovation. Nous avons bien entendu les conseils des autres hôteliers mais pour l’instant nous ne les mettrons pas en place car, par exemple, pour la restauration, nous travaillons déjà avec un partenaire de qualité six mois dans l’année. Nous n’avons pas les moyens de créer un restaurant. Nous préférons rester un bon hôtel que devenir un établissement avec un restaurant qui ne serait pas à la hauteur des attentes de nos clients. Nous avons bien conscience que nous sommes un hôtel deux étoiles même si nous pouvons apporter des améliorations. »
Un ancien corps de ferme
Le Moulin de la Brevette est un ancien corps de ferme datant de 1827 qui a été transformé en hôtel en 1990. L’hôtel deux étoiles qui compte 17 chambres est situé à Arbigny, une commune de quelque 400 habitants, en bordure de prairie, un site classé pour sa faune par la directive « Natura 2 000 ». Le couple d’hôteliers qui a pris la direction de l’établissement en 2011, a terminé sa rénovation début 2015.