
Booking a pris différents engagements suite à la procédure engagée par les syndicats hôteliers. Le compte n’y est toujours pas dénonce le GNI (lire également "Le GNI demande des assises de l’hébergement marchand").Le site de réservation hôtelière en ligne Booking.com a fini par accepter de renoncer à la majeure partie de ses clauses tarifaires jugées abusives par la profession et de supprimer la clause de disponibilité des chambres qu’il imposait aux hôteliers.
Cela fait suite à l’ouverture en juillet 2013 d’une procédure devant l’Autorité de la concurrence française, initiée par les principaux syndicats hôteliers français et le groupe Accor à l’encontre de Booking.com. Ces pratiques dénoncées par les professionnels étaient de nature à réduire la concurrence entre Booking.com et les platesformes concurrentes et d’évincer in fine les nouveaux opérateurs entrants sur ce marché.
Après une procédure de négociations de près de deux ans entre Booking et l’Autorité de la concurrence, le leader français de la réservation hôtelière en ligne s’est engagé à modifier sa politique commerciale et tarifaire. Concrètement, Booking devra indiquer la mention « plus de disponibilité » sur son site lorsqu’un hôtel n’est plus disponible sur la plate-forme et ne pourra plus se prévaloir de la mention « garantie du meilleur prix », trompeuse pour le consommateur.
Les engagements de Booking en vigueur dès le 1er juillet 2015
Les engagements de Booking.com, pris pour une durée de 5 ans, entreront en vigueur dès le 1er juillet 2015 avec un point d’étape prévu fin 2016 pour s’assurer que Booking.com respecte bien ses engagements. Dans le cas contraire, l’Autorité de la concurrence française pourrait appliquer des sanctions pouvant aller « jusqu’à 5 % de son chiffre d’affaires ».
Ces engagements de Booking.com s’appliqueront en France, mais aussi en Italie et en Suède, et ont vocation à être étendus à toute l’Europe, a assuré l’Autorité de la concurrence.
Pour Bruno Lasserre, président de l’Autorité de la concurrence française, ces nouveaux engagements limitent l’application par Booking.com de clauses de parité de prix en tant qu’élément de son modèle économique fondé sur la perception de commissions. « Les engagements souscrits par Booking.com renforcent considérablement les marges de manœuvre des hôtels. Ces engagements trouvent le bon équilibre en faveur des consommateurs en restaurant la concurrence tout en préservant les services de recherche et de comparaison gratuits et faciles d’usage, et en encourageant l’émergence de l’économie numérique », précise-t-il.
Les hôteliers retrouvent leur liberté tarifaire
Suivant la décision 15-D-06 rendue par l’Autorité de la concurrence le 21 avril 2015, l’hôtelier pourra librement pratiquer des tarifs inférieurs à ceux affichés sur le site de Booking.com avec les autres plateformes de réservation en ligne. Il aura la possibilité d’adapter ses tarifs en fonction de la qualité des services et/ou du niveau de taux de commission pratiqué par les plateformes de réservation.
L’hôtelier pourra également proposer à sa clientèle en cas de réservation par téléphone, courriels, agences de voyages ou encore à la réception, des tarifs inférieurs à ceux mentionnés sur le site Booking.com. En revanche, les hôtels ne pourront toujours pas afficher sur leur propre site Internet des tarifs inférieurs à ceux de Booking, sauf pour les titulaires de leur carte de fidélité.
En matière de disponibilité commerciale sans contrainte de Booking.com, l’hôtelier aura la possibilité d’offrir à sa clientèle via d’autres plateformes de réservation en ligne et par téléphone, mails ou réception sur place, des conditions de séjour plus avantageuses.
Par ailleurs, les hôteliers seront désormais libres de choisir le nombre de chambres qu’ils confieront à Booking.com, alors qu’ils devaient auparavant proposer un nombre équivalent sur leur site à celui qu’ils proposaient sur Booking.com. Sur certaines périodes, l’hôtelier pourra même garder toutes ses chambres à vendre directement.
Une décision qui ne satisfait qu’en partie la profession
« Le compte n’y est toujours pas, tant pour les consommateurs que pour les hôteliers ! » dénonce Didier Chenet, le président du Groupement national des indépendants (GNI).
Selon le président du GNI, cette décision tend à faire croire que les hôteliers ont retrouvé leur liberté commerciale et tarifaire. Il n’en est rien. Les hôteliers n’ont toujours pas :
- la liberté d’utiliser leur propre site web comme canal de vente de leurs propres chambres à un tarif plus compétitif que celui figurant sur le site de Booking.com ;
- la possibilité d’afficher, pour les réservations effectuées sur leur propre site web, des offres promotionnelles ;
- la faculté de protéger leur propre marque sur le web, pillée sans vergogne par Booking.com.
« Pour le GNI, le combat continu, tant devant l’Autorité de la concurrence que devant le tribunal de commerce de Paris », insiste Didier Chenet.
L’Umih, le GNC et la CPIH ont « pris acte » de la décision de l’Autorité de la concurrence, indiquant la volonté de Booking d’étendre ces engagements à « l’ensemble de l’espace économique européen ». Dans un communiqué commun, ils précisent néanmoins que les hôteliers français ont salué une « étape importante », tout en déclarant que « cela ne règle pas tout » et qu’ils demeurent « vigilants » et résolus à retrouver leur liberté tarifaire totale.
Enfin, pour Christian de Barrin, directeur exécutif de l’assemblée générale de l’Association européenne des hôtels, restaurants et cafés (Hotrec) : « L’Hotrec et ses membres sont déçus de cette décision qui est de notre point de vue anti-compétitive, de la part de l’Autorité de la concurrence. Le secteur de l’hôtellerie doit maintenant envisager les prochaines étapes pour rétablir une liberté d’entreprenariat complète des hôtels européens et faire ainsi profiter les consommateurs des bénéfices d’une réelle concurrence sur le marché de la réservation hôtelière », a-t-il expliqué.
Lors de la 70e assemblée générale qui s’est tenue à Luxembourg le 24 avril 2015, les membres de l’Hotrec ont décidé d’envisager les possibilités de faire appel de ces décisions.
Expedia condamné pour clauses abusives
Le tribunal de commerce de Paris a considéré comme nulles les clauses de la société Expedia qui obligeaient les hôteliers de l’Hexagone à lui consentir les meilleures conditions tarifaires et promotionnelles.Dans sa décision rendue le 7 mai 2015, le tribunal de commerce de Paris indique que faute de contrepartie suffisante, les clauses de parité tarifaire et de conditions sont constitutives d’un déséquilibre significatif et sont donc nulles : « Le fait d’assurer au consommateur le prix le plus bas (ce qui est mis en avant sur les sites Internet) est assuré par les défenderesses (Expedia) en conservant intégralement leur marge relative (fixée en pourcentage, avec éventuellement un plancher en valeur absolue) et non en faisant un effort sur leurs propres taux de marge, même en cas de promotion accordée par l’hôtel (…) ces dispositions peuvent peser très fortement sur la marge réelle des dernières chambres vendues à des tarifs professionnels, sans impacter significativement les marges des défenderesses (…) la clause “d’alignement automatique sur les meilleures conditions tarifaires” n’est pas la contrepartie d’un risque ou d’un engagement d’achat minimum justifiant un tel avantage (…) l’ensemble de ces éléments montrent que les obligations des parties sont significativement déséquilibrées et que les clauses d’alignement automatique sur les meilleures conditions tarifaires, compte tenu de l’équilibre général des contrats objet du litige, sont contraires à l’article L. 442-6 I 2° du Code de commerce qui est d’application impérative ».
La nullité de la clause est d’ores et déjà acquise
Dans cette procédure, le Groupement National des Indépendants (GNI) était associé à la plainte du ministre de l’Économie, de l’Industrie et du Numérique, contre la société Expedia, portant sur le déséquilibre créé par certaines clauses des contrats passés entre Expedia et les hôteliers français.
« Cette décision va bien au-delà des engagements prônés en la matière par l’Autorité de la concurrence, et rend enfin leur liberté tarifaire aux hôteliers. Elle ne fait que conforter le combat mené contre ces clauses abusives des plateformes numériques de réservation. Elle est assortie de l’exécution provisoire. La nullité de la clause, dite de parité tarifaire, est donc d’ores et déjà acquise pour nos hôteliers », s’est félicité Didier Chenet, président du GNI.