Qui a connu Barcelonnette voici quinze ans ne la reconnaîtrait plus. Appelée à héberger les skieurs de Pra-Loup, Sauze et Super-Sauze, elle est devenue une entité touristique à part entière, sachant tirer son épingle du jeu même en période de déneigement. Avec un large centre ville piétonnier, une belle réhabilitation architecturale, des animations de qualité, cette cité de 3 500 habitants (7 000 pour l'ensemble de la vallée de l'Ubaye) voit sa population multipliée par cinq en été et elle attire un nombre croissant d'étrangers tout au long de l'année.Selon les professionnels interrogés, la communauté de communes y est pour beaucoup avec par exemple la création des «chalets accueil» chargés de renseigner les arrivants de 9 à 21 h et «de ne jamais les laisser repartir sans leur avoir trouvé l'hébergement demandé». D'un autre côté, ici, la solidarité professionnelle est grande et peut surprendre.Conscients du potentiel - stations, nature, grands cols, culture montagnarde associée au succès colossal de l'immigration locale du 19è s, au Mexique - les patrons ici, issus de la vallée ou pas, ont misé sur la solidarité. Sur la base de deux hôtels dans chaque catégorie (sauf quatre étoiles), ils ont pris le parti de ne jamais afficher «complet». «On trouve toujours le moyen de loger un client, explique René Marcellier - un natif de la Loire qui a entièrement refait le Grand Hôtel en cinq ans - quitte à l'éloigner très légèrement». Pour cela, les hôteliers ont l'habitude de se faire connaître mutuellement «leurs produits». Lorsque le Grand Hôtel a inauguré sa seconde tranche de travaux fin 2004, tous furent conviés. Il est aussi assez exceptionnel de les entendre parler des charmes différents de l'un ou de l'autre : la formule préférentielle des uns, le cadre ou les thèmes des autres, comme les maisons de maître de l'Azteca ou de la Grande Epervière. De même, ils aiment conseiller sur les restaurants qu'ils ont testés, souligner les genres, les tarifs «pour ne surprendre personne», et aussi parler des meilleurs comme Le Poivre d'Ane (Gault et Millau 98, Bottin Gourmand 2004), les Voûtes ou encore le récent Beija Flor avec son patron voyageur qui fait des merveilles de raffinement et d'exotisme avec un second et un serveur sur un tout petit espace de 50 m2, avec un chiffre d'affaires dépassant toutes ses espérances au bout d'un an. Fidéliser les motards, les randonneurs et les cyclistes avec des formules ciblées, des en-cas (mais pas trop pour ne concurrencer personne), des espaces pour ranger le matériel... animer, répondre, s'adapter, tout cela génère des résultats palpables et vérifiables sur les guides européens gratuits (notamment La route des Alpes). Et la méthode séduit aussi la côte. Un nombre croissant de Marseillais y élisent domicile secondaire et aussi révélateur, leurs week-ends hors saison, amenant un taux de remplissage en croissance de 45% sur l'année.
31 Mar 2005